epreuves osmotiques

 

 

 

LIQUIDES LABYRINTHIQUES :

 

 

L’oreille interne est un organe pair, symétrique, situé dans la partie pétreuse de l’os temporal. Elle est constituée d’une cavité osseuse, «le labyrinthe osseux » formée d’os compact, et contient l’organe sensoriel de l’oreille interne : «le labyrinthe membraneux ».

Le labyrinthe membraneux comprend les canaux semi-circulaires, l’utricule, le saccule et le canal cochléaire. Il est séparé du labyrinthe osseux par l’espace périlymphatique.

Les liquides labyrinthiques sont :

-         L’endolymphe : contenue dans le labyrinthe membraneux.

-         La périlymphe : qui remplit l’espace périlymphatique, les ramps vestibulaire et tympanique.

 

Leur rôle physiologique est double :

1.          Transmettre le signal mécanique à partir de la fenêtre ovale.

2.          Concourir à la transduction mécano-électrique par la mise en jeu de phénomènes moléculaires entre liquides et cellules ciliées.

 

 

Endolymphe : (12, 47)

 

Sa composition est de type intracellulaire. La concentration de K+ y est élevée (environ 150 mmol/l), sauf dans le sac où elle est de 8 mmol/l. La concentration de Na+ est faible (environ 1 mmol/l), sauf dans le sac où elle de 150 mmol/l. La concentration de Cl- est d’environ 110 mmol/l et celle des protéines est inférieure à 0,3 g/l.

Le potentiel      de repos   de l’endolymphe  est positif   et     varie selon les  cavités : 80 à 110 mV dans le canal cochléaire ; 10 mV dans l’appareil vestibulaire.

L’osmolarité est supérieure à celle de la périlymphe et du plasma.

Enfin, il faut noter qu’il existe  un gradient électro-chimique à l’intérieur du canal cochléaire, selon lequel les concentration de K+ et de Cl-, ainsi que le potentiel de repos et l’osmolarité déclinent de la base vers l’apex de la cochlée. Le pH ne varie pas d’un tour à l’autre.

La sécrétion de l’endolymphe est assurée par la strie vasculaire, pour la cochlée, et par les cellules sombres pour le vestibule. Le liquide précurseur est la périlymphe. Les électrolytes sont transportés de la périlymphe vers l’endolymphe par des mécanismes actifs.

La réabsorption de l’endolymphe se fait soit par certaines zones spécialisées de la strie vasculaire ou de l’épithélium vestibulaire (selon la théorie radiale de Naftalin et Harrison) ; soit par le sac endolymphatique (selon la théorie longitudinale).

 

 

Périlymphe : (13, 49)

 

C’est un liquide de type extracellulaire qui sépare les deux labyrinthes. La concentration de Na+ y est d’environ 150 mmol/l, celle de K+ de 5 mmol/l, celle de Cl- de 110 mmol/l, et celle des protéines de 1 à 2 g/l. Cette composition diffère entre les ramps vestibulaire et tympanique. Les concentrations de K+, de protéines et de glucose sont plus élevées dans la périlymphe vestibulaire. La composition de la périlymphe tympanique est proche de celle du LCR.

L’origine de la périlymphe vestibulaire semble être le plasma, et celle de la périlymphe tympanique est le LCR. Les échanges hémato-périlymphatique s’effectuent lentement, ce qui fait suggérer l’existence d’une barrière hémato-périlymphatique, semblable à la barrière hémato-cérébrale, jouant un rôle essentiel dans la pharmacocinétique lors des médications thérapeutiques dans l’hydrops endolymphatique.

 

Sac endolymphatique : (10, 13, 49)

 

La taille du sac  endolymphatique, chez le sujet normal, est très variable de 2 à 40 mm[Deggouj et coll. (13)]. Son rôle dans l’homéostase de l’endolymphe reste encore incertain. Il jouerait un double rôle : la résorption et la sécrétion de l’endolymphe.

La composition biochimique de l’endolymphe du sac, comme nous l’avons déjà décrit, diffère de celle du canal cochléaire. Sa lumière contient une substance hyperosmotique, riche en protéoglycans, qui pourrait changer la pression osmotique intraluminale. Il existerait des interactions avec l’oreille interne sensorielle permettant la régulation du taux d’absorption, de production et de la composition de l’endolymphe.

Certains auteurs ont étudié la morphologie du sac chez les sujets atteints de la maladie de Ménière [Deggouj et coll. (13)]. Il semblerait que le diamètre ainsi que le volume du canal cochléaire et du sac endolymphatique est plus petit dans ce groupe, en comparaison avec les sujets normaux. La sévérité de l’hydrops semble être corrélée à l’importance de l’étroitesse de ces deux compartiments.

La décompression chirurgicale du sac endolymphatique améliorerait les constantes électrophysiologique des patients atteints de la maladie de Ménière [Bojrab et coll. (10)]. Les auteurs ont réalisé des électrocochléographies avant et après l’acte chirurgical, mettant ainsi en évidence une amélioration des potentiels électrocochléographique chez 42% des patient. Dans cette étude le succès du geste opératoire, contrôle des vertiges, était de 95%. A noter que, d’autres auteurs [Orchih et coll. (37)] n’apportent pas les mêmes conclusions et l’influence de la décompression du sac reste discutée.

Ces observations, entre outre, nous invitent à ne plus considérer le sac endolymphatique comme un simple filtre passif.

 

 

EPREUVES OSMOTIQUES : (13, 22, 39, 49, 53)

 

Principe :

 

L’injection ou l’ingestion d’une substance à haut pouvoir osmotique entraîne, de façon rapide et transitoire, une élévation de l’osmolalité sanguine induisant un gradient entre les compartiments vasculaires et labyrinthiques. Ce gradient provoque un déplacement d’eau des compartiments labyrinthiques vers les compartiments vasculaires. Le transfert semble se faire entre la périlymphe et le plasma [Deggouj et coll. ; Tran Ba Huy et coll. (13, 49)]. La baisse de pression périlymphatique est instantanément transmise à l’endolymphe, entraînant ainsi une baisse de la pression endolymphatique.

L’hydrops endolymphatique, ou l’hyperpression endolymphatique, induit des modifications morphologiques, notamment au niveau de la membrane tectoriale, qui se traduit par une altération de l’activité mécano-électrique du labyrinthe. Le soulagement de l’hyperpression endolymphatique améliore la transduction mécano-électrique et se traduit, sur le plan clinique par une amélioration de l’audition, des vertiges et des acouphènes, et sur le plan électrophysiologique par des modifications des constantes électriques à l’électrocochléographie [Wong et coll. (53)]. Nous reviendrons sur les modifications électrophysiologiques, de façon plus détaillée, dans le chapitre d’étude clinique : « Test au Mannitol couplé à l’électrocochléographie ».

 

L’intérêt des substances osmotiques est, donc, triple :

1.      Diagnostique : en pratique courante la mesure de la pression intralabyrinthique n’étant pas, à ce jour, réalisable, les tests osmotiques constituent un bon moyen pour objectiver l’hydrops endolymphatique.

2.      Pronostique : la positivité d’un test osmotique est témoin du stade, à priori, réversible de la maladie.

3.      Thérapeutique : l’utilisation à court terme (Mannitol, glycérol) ou à long terme (diurétiques) des produits osmotiques constitue une aide thérapeutique parfois très efficace.

 

 

Test au glycérol :

 

 

Le glycérol (C3H8O3) est un trialcool à pouvoir osmotique élevé. Ses effets sont connus depuis 1960 sur la pression intraoculaire et intracrânienne (LCR). Klockoff  décrit, en 1966, un test utilisant le glycérol chez des patients atteints de la maladie de Ménière. Il rapporte une amélioration provisoire de l’audition chez ses patients, après l’absorption de glycérol.

Le glycérol est administré par voie per os  (1,5 g/kg), mélangé à un volume égal de sérum salé isotonique et à quelques goûtes de jus de citron pour améliorer le goût [Deggouj et coll. ; Piquet et coll. (13, 39)]. Le patient peut présenter quelques céphalées (par hypotension du LCR) ou des vomissements après l’ingestion du glycérol.

D’après les travaux expérimentaux réalisés, ensuite, sur les cobayes [Deggouj et coll. (13)] et les cochons d’inde [Giuseppe et coll. (19)], l’injection de glycérol est suivie au bout de 15 minutes d’une augmentation de l’osmolarité plasmatique et au bout d’une heure d’une baisse de la pression du liquide périlymphatique. L’accumulation périlymphatique de glycérol entraîne secondairement une diminution de la pression endolymphatique. Le glycérol modifie, aussi, la structure du sac endolymphatique en diminuant la lumière et en augmentant les granules de type sécrétoire dans les cellules épithéliales [Deggouj et coll. (13)].

Donc, les effets du glycérol semblent s’exercer sur le sac et sur la strie vasculaire. Cependant, une forte dose entraîne, au niveau de la strie vasculaire, un œdème et une ischémie [Deggouj et coll. (13)].

 

 

Test au Mannitol :

 

 

Le Mannitol, dont le mécanisme d’action est comparable à celui du glycérol, est une substance au pouvoir osmotique supérieur au glycérol. En 1975, Piquet et Vaneecloo (39) décrivent un test osmotique utilisant ce produit, en perfusion intraveineuse sur plusieurs jours, chez les sujets présentant une maladie de Ménière ou une symptomatologie méniériforme. Le protocole du « test au Mannitol » tel qu’il est décrit par les auteurs comprend :

-         La réalisation d’un audiogramme de référence avant le test ainsi qu’un bilan biologique

-         Une perfusion intraveineuse de 500 cc de Mannitol à 10% en 4 heures, pendant au moins 5 jours.

-         Surveillance clinique en hospitalisation et supplémentation potassique si nécessaire.

-         Contrôle audiométrique quotidien avant et après chaque perfusion.

-         Les perfusions peuvent être poursuivies, si les contrôles audiométriques mettent en évidence une amélioration, jusqu’à la récupération auditive.

 

a)      Les critères de positivité du test au Mannitol :

 

Pour évaluer les effets du Mannitol, l’interrogatoire recherche une amélioration subjective des signes fonctionnels et les épreuves audiométriques, réalisées avant et après le test, objectivent l’amélioration de l’audition. Les critères audiométriques sont [Tran Ba Huy et coll. (49)] :

-         A l’audiométrie tonale : une amélioration des seuils auditifs de 10 dB sur les fréquences : 500, 1000, 2000 Hz.

-         A l’audiométrie vocale : une amélioration de la discrimination de 10%.

(Seront décrit, plus loin,  les modifications des constantes électriques à l’électrocochléographie  après  le  test au  Mannitol)

D’après Piquet et Vaneecloo (39), le test est considéré positif pour les patients qui présentent subjectivement une amélioration des acouphènes et de la surdité. Cette amélioration est objectivée à l’audiométrie tonale par une amélioration franche des seuils auditifs d’au moins 15 dB sur les fréquences où la perte prédomine.

 

b)      Résultats du test au Mannitol :

 

Les résultats rapportés sont :

-         Le test est positif, dans la majorité des cas, chez les sujets présentant une maladie de Ménière à un stade non évolué.

-         Le test est négatif, souvent, pour les autres patients. Sujets présentant : une maladie de Ménière à un stade ultime ; un syndrome de Ménière ; un syndrome méniériforme.

 

Le syndrome de Ménière : comporte un grand syndrome cochléo-vestibulaire brutal et isolé (surdité brusque avec vertiges).

 

Les syndromes méniériformes : consistent en une symptomatologie comportant la triade symptomatique de la maladie de Ménière, mais les manifestations y sont d’intensité plus modérée et évoluent pour leur compte. Ces syndromes sont secondaires à une étiologie, souvent retrouvée grâce aux examens paracliniques.

 

Nous avons vu que l’action des produits osmotiques, et en particulier « Mannitol », consiste à diminuer la pression intralabyrinthique. La positivité du test au Mannitol dans la maladie de Ménière témoigne d’une part de la présence de l’hydrops et d’autre part de la réversibilité de la symptomatologie. En effet, l’hydrops s’installant de façon progressive, les acouphènes correspondraient à un stade d’hyperpression modérée et la phase de surdité fluctuante et l’état pseudo-ébrieux, à un stade d’hyperpression avancée. Les crises de vertiges sont la conséquence des modifications pressionnelles brutales, soit une hyperpression, soit une hypopression par rupture brutale du labyrinthe membraneux (Schuknecht).

Dans une maladie de Ménière vieillie, le test au Mannitol est le plus souvent négatif car à ce stade les symptômes (surdité, acouphènes) de la maladie ont perdu leur caractère réversible. En effet, à ce stade ultime de la maladie, la symptomatologie résulte,  soit d’une  dégénérescence sensorielle, soit d’un état de rupture chronique du labyrinthe membraneux, et non pas d’un simple trouble de la pression intralabyrinthique.

 

 

Test au furosémide :

 

Un autre groupe de produits osmotiques, « les diurétiques », est utilisé dans le diagnostic de l’hydrops. Le furosémide (Lasilix ®) semble être capable de modifier la fonction vestibulaire. Le test consiste à pratiquer une épreuve calorique froide avant et après injection de 20 mg de Lasilix par voie intraveineuse. Il est positif s’il existe une augmentation de la vitesse maximale du nystagmus : > 9,4%. Cette épreuve serait positive dans 80% [Tran Ba Huy et coll. (49)] des maladies de Ménière typiques et pourrait rester positif au stade où la surdité est devenue non fluctuante, alors que les autres tests osmotiques ne sont plus positifs.

 D’autres auteurs ont, aussi, utilisé le furosémide [Ito et coll. ; Tsunoda et coll. (21, 50)] et apportent un pourcentage de test positif dans les groupes de maladie de Ménière qui oscille entre 50 et 60%. Ils définissent la positivité de leur test par : soit une amélioration auditive [Ito et coll. (21)], soit une modification de la fonction vestibulaire [Tsunoda et coll. (50)].

 

                         Dans notre service, nous n’avons pas l’expérience d’utilisation des diurétique à visée diagnostique.