F) Examens paracliniques :

             Les examens complémentaires visent, d’une part à rechercher les caractéristiques de la maladie, et d’autre part à assurer qu’il n’existe pas une autre pathologie labyrinthique ou générale identifiable et responsable de la symptomatologie.

·        Bilan cochléo-vestibulaire :

Ø                   Audiométrie tonale : objective deux des caractéristiques essentielles de la surdité de perception :

1)                   Son aspect ascendant ou en plateau.

2)                   Son évolution fluctuante.

             La surdité de perception est initialement ascendante et affecte les fréquences graves jusqu’à 1 KHz, elle s’horizontalise ensuite et atteint toutes les fréquences. Le caractère ascendant et fluctuant de la courbe audiométrique est très évocateur, mais il n’est pas pathognomonique. Les fluctuations sont au mieux objectivées par le test osmotique. D’autre part, on peut observer un Rinne de 10 à 15 dB sur les fréquences graves. Ce phénomène serait lié à une distorsion harmonique déplaçant vers la base de la cochlée la zone de résonance [Tran Ba Huy et coll.(94)].  Une  chute  sur  les fréquences  aiguës   (au-delà de 2 à 4 KHz)  peut parfois être observée.

Ø                   Impédancemétrie : permet de préciser la nature endocochléaire de la surdité en déterminant le réflexe stapédien et en mettant en évidence l’élément très caractéristique de l’affection qui est le recrutement. C’est le signe de barre de 95 dB décrit par Freyss, signifiant que les seuils du réflexe stapédien ne descendent jamais au-dessous de cette limite, quel que soit le niveau de la surdité.

Ø                   Audiométrie vocale : montre une discordance entre les scores tonaux et vocaux. Exprimé en décibels d’intelligibilité, en pourcentage de discrimination, ou par le simple aspect de la courbe. Au cours de l’évolution, rapidement, la courbe vocale n’atteint plus les 100% d’intelligibilité et présente souvent un aspect en dôme ou en cloche.

Ø                   Epreuves vestibulaires : la maladie de Ménière n’a paradoxalement pas de tableau pathognomonique aux épreuves vestibulaires. Ces examens permettent surtout de suivre l’évolution de la maladie, et d’éliminer d’autres affections, notamment centrales [Gentine et coll., Tran Ba Huy et coll. (29, 94)].

               L’exploration des fonctions vestibulaires est essentiellement basée sur l’étude du nystagmus. Cette étude peut être réalisée grâce à trois méthodes :

I)                    Electro-nystagmographie : c’est l’enregistrement graphique des signaux électriques recueillis par des électrodes de surface placées en des points isopotentiels orbitaires. Basé sur la différence de potentiel cornéo-rétinien ( cornée + ; épithélium de rétine - ), les résultats de l’électro-nystagmographie sont exprimés sur un graphique avec, par convention : mouvements vers le haut = mouvement à droite ; mouvements vers le bas = mouvements à gauche.

II)                  Vidéo-nystagmographie : c’est l’observation et l’enregistrement, par un dispositif informatique, des mouvements oculaires qui sont recueillis grâce à un système optique, utilisant des faisceaux infrarouges et disposé devant les yeux du sujet.

III)                Bobines sclérales : utilisant des moyens électromagnétiques sont réservées aux laboratoires de recherche.

               La vidéo-nystagmographie : réalisées en l’absence de tout traitement antivertigineux ou sédatifs, montrent longtemps une fonction vestibulaire subnormale. Les réponses sont caractérisées par une grande variabilité, sans parallélisme avec les fluctuations auditives.

Ensuite, s’installe progressivement (en dehors des crises) une hypoexcitabilité du côté atteint dans 50 à 70% des cas (fig. 2). Finalement, cette hyporéflexie se stabilise à la moitié ou au tiers de sa valeur initiale. L’aréflexie (comme la cophose) étant exceptionnelle, elle incite le clinicien à rechercher une autre étiologie. Elle peut être cependant s’observer dans 5 à 10% des cas à la phase terminale.

Un nystagmus spontané est présent, en période intercritique, dans 59% des cas, toujours unidirectionnel, volontiers uni sens, controlatérale à l’oreille malade (43%) ; mais il peut être également ipsilatérale (12%) : « recovery nystagmus ».

La prépondérance directionnelle, contrairement à l’hyporéflectivité, ne possède aucune réelle valeur localisatrice et peut être dirigée vers l’oreille saine ou atteinte. Elle permet parfois de révéler le phénomène de surcompensation qui est caractérisé par une prépondérance directionnelle du côté de l’oreille atteinte. Ce signe s’observe au décours d’une période de crises de quelques jours ou semaines et s’explique par un mécanisme central évolutif [Tran Ba Huy et coll. (94)]. En effet, pour atténuer le déséquilibre, le noyau vestibulaire controlatéral (au côté atteint) freine son activité spontanée. C’est alors le côté sain qui paraît hypoexcitable, expliquant la prépondérance paradoxale.

En période intercritique, l’épreuve rotatoire n’est normale que dans environ 15% des cas. L’asymétrie est retrouvée dans près de 50% des cas.

L’étude des saccades et l’épreuve opto-cinétique sont normales. Toute anomalie est témoin de la présence d’un dysfonctionnement central.

Ø                   Potentiels évoqués auditifs : ont un double intérêt.

1.                   Ils recherchent des signes d’une atteinte rétrocochléaire (tumorale) pouvant simuler cliniquement, au début, une maladie de Ménière.

2.                   Ils objectivent, aussi, le recrutement caractéristique de l’affection (fig. 3).

·               Epreuves osmotiques :

Les tests osmotiques sont réalisés par  l’ingestion ou l’injection d’une substance à haut pouvoir osmotique, induisant une élévation de l’osmolalité sanguine et entraînant un gradient entre les compartiments vasculaires et labyrinthiques. Ce gradient provoque un déplacement d’eau des milieux endolymphatiques vers le compartiment sanguin et entraîne une baisse de pression endolymphatique.La baisse de la pression endolymphatique améliore la transduction mécano-électrique et se traduit, sur le plan clinique par une amélioration de l’audition, des vertiges et des acouphènes, et sur le plan électrophysiologique par des modifications des constantes électriques à l’électrocochléographie [Gibson ; Piquet et coll.(31, 72)]. 

               Les substances osmotique sont soit des solutés contenant des macromolécules (Mannitol ; Glycérol), soit des diurétiques (acétzolamide ; furosémide).

              L’intérêt des substances osmotiques est  triple :

                    I.                        Diagnostique : en pratique courante la mesure de la pression intralabyrinthique n’étant pas, à ce jour, réalisable, les tests osmotiques constituent un bon moyen pour objectiver l’hydrops endolymphatique.

                  II.                        Pronostique : la positivité d’un test osmotique est témoin du stade, à priori, réversible de la maladie.

                III.                        Thérapeutique : l’utilisation à court terme (Mannitol, glycérol) ou à long terme (diurétiques) des produits osmotiques constitue une aide thérapeutique parfois très efficace.

·                    Epreuve électrophysiologique :

             Représentée par l’électrocochléographie (EcoG) qui est un examen électrophysiologique   permettant l’enregistrement des potentiels électriques de l’organe de Corti et des fibres nerveuses constituant le nerf auditif à l’intérieur de la cochlée, en réponse à une stimulation sonore.

              Les réponses électriques cochléaires engendrées par une stimulation sonore sont recueillies par une électrode posée le plus proche possible de la cochlée. Ces réponses sont individualisées sur la courbe électrocochléographique en une déflexion qui correspond à l’onde I des potentiels évoqués auditifs précoces [Gibson (30)].

             L’onde I ou le complexe I est l’ensemble des phénomènes électriques globaux de l’oreille interne. Elle est composée des potentiels sensoriels  (le potentiel microphonique, le potentiel de sommation) et des potentiels nerveux représentés en un potentiel d’action global qui forme le pic du complexe I (fig. 4).

             Le potentiel microphonique cochléaire est un signal électrique produit par la vibration des cellules ciliées à l’arrivée de l’onde sonore. Il reproduit, dans certains limites qui sont celles du champ auditif, la forme de la vibration sonore sans aucun délai. Du fait de ses caractéristiques indépendants du fonctionnement de l’oreille interne, il n’est pas utilisé dans l’interprétation et l’utilisation des stimuli alternés le fait éliminer de la courbe électrocochléographique.

             Le potentiel de sommation (SP), observé pour la 1ère fois par Davis en 1950, chez le cobaye, est un signal électrique complexe et multicomposant. Il précède la réponse nerveuse, formant l’épaule ou la déflexion initiale du complexe I, et correspondrait à une polarisation particulière des cellules ciliées de l’organe de Corti. D’après les travaux de Whitfield et Ross (1965)(30), ce type de polarisation se produit lors des déplacements non linéaires de la membrane basilaire, provoqués par une stimulation sonore de haute intensité (supérieure à 70 dB). L’amplitude du potentiel de sommation dépend, donc, de l’intensité du stimulus, et elle est directement proportionnelle à la somme des déplacements de la membrane basilaire. Il n’est pas sensible à la polarité du stimulus sonore.

             L’hydrops endolymphatique provoquerait des modifications de structure et de position des membranes limitantes du canal cochléaire, notamment la membrane tectoriale. Ces modifications structurales altèrent le couplage mécanique stéréocil-membrane tectoriale et se traduit, sur le plan clinique par des acouphènes et une surdité endocochléaire initialement fluctuante, et sur le plan électrophysiologique par une augmentation de l’amplitude du potentiel de sommation objectivée par l’électrocochléographie. La responsabilité de l’hydrops est prouvée par le fait que, chez certains patients dans les stades réversibles de la maladie, il existe une modification voire une normalisation de l’amplitude du potentiel de sommation après l’administration d’un produit osmotique, en l’occurrence le Mannitol (68% des patients ayant bénéficié d’un test au Mannitol couplé à l’EcoG juxta-tympanique, d’après l’étude clinique réalisé dans notre service en 1998-99).

             Le potentiel d’action global cochléaire (AP), observé pour la 1ère fois par Saul et Davis en 1932, correspond à la somme des potentiels d’action unitaires et à l’étape ultime de la transformation du signal sonore en signal nerveux. Son amplitude dépend du seuil auditif, et elle n’est pas modifiée de façon significative dans l’hydrops endolymphatique. D’où le calcul du rapport potentiel de sommation / potentiel d’action (SP/AP), servant à l’interprétation de l’EcoG. Augmentation de ce rapport est un argument diagnostique positif pour le diagnostic de l’hydrops endolymphatique avec une spécificité de 94%, d’après la plupart des auteurs [Gibson, Roland et coll. (31, 78)], et une sensibilité de 77%. La valeur considérée comme normale pour le rapport SP/AP varie en fonction de la méthode utilisée entre  0,25 [méthode trans-tympanique] et 0,50 [méthode extra-tympanique] [Pou et coll. (75)].

             La réalisation de l’EcoG nécessite un appareil de recueil, permettant la stimulation de l’oreille et le recueil des signaux électriques provoqués par la cochlée. Le recueil se fait grâce aux trois électrodes (positive, négative et neutre), dont une électrode (de polarité négative) doit être posée le plus proche possible de la cochlée. En fonction de l’emplacement de cette électrode, trois méthodes ont été décrites : a) méthode trans-tympanique ; b) méthode juxta-tympanique ; c) méthode extra-tympanique. Le procédé de traitement des signaux électriques et de l’enregistrement est identique à celui utilisé pour la réalisation des potentiels évoqués auditifs (PEA).

             Nous    utilisons,    dans    le    service    d’otologie    et     d’otoneurologie   du Pr  FM. Vaneecloo  et  Dr  C. Vincent,  depuis  1998,  la  méthode juxta-tympanique pour  la  réalisation  de  l’EcoG.  Selon  cette  méthode, décrite par Cullen en 1972 [Ruth et coll. (80)], une électrode est posée  sur le tympan. L’électrode utilisée, dans notre service, est en fil de platine  dont l’élément actif, non isolé, est placé sous contrôle microscopique sur la partie inférieure du tympan en regard de la fenêtre ronde. La pose de l’électrode ne nécessite pas d’anesthésie et peut être réalisée, même, en ambulatoire. La stimulation sonore est de type clic alterné non filtré, et le tracé obtenu est d’amplitude suffisante pour l’interprétation. La norme retenue pour le rapport SP/AP est de 0,35 (fig. 5).

            D’après notre expérience, l’EcoG juxta-tympanique, méthode non invasive et de réalisation aisée, apporte des arguments diagnostiques objectifs dans le diagnostic de la maladie de Ménière et en particulier dans les tableaux cliniques incomplets ou atypiques. Couplé au test au Mannitol, elle permet de renseigner sur la réversibilité des symptômes et orienter le traitement médical de fond.

·                    Bilan radiologique :

           Le but principal du bilan radiologique, dans la maladie de Ménière, est d’éliminer les diagnostics différentiels. Réalisé, de façon systématique, devant toute symptomatologie méniériforme, il comporte essentiellement une imagerie par résonance magnétique, et complété parfois par une tomodensitométrie des rochers. L’IRM étudie l’encéphale, les angles ponto-cérébelleux, le conduit auditif interne et les oreilles internes [Bourjat, Tran Ba Huy (12, 94)].

           L’exploration de l’oreille interne par l’IRM, repose d’une part sur l’étude des liquides labyrinthiques et d’autre part sur les séquences pondérées T1, avec et sans injection de Gadolinium. L’étude des liquides labyrinthiques fait appel à la séquence CISS : séquence rapide, fortement pondérée T2, dans laquelle sont recueillis simultanément un écho de gradient classique et un écho de spin stimulé, créé et refocalisé par des impulsions de radio-fréquences successives. Elle permet de reconnaître les différentes structures du labyrinthe postérieur et la segmentation de la cochlée en rampe vestibulaire et tympanique par la visualisation de la lame spirale.

            Obtenue en mode volumique, la séquence CISS-3D permet une étude reproductible du labyrinthe membraneux (fig. 6), à l’exception de l’aqueduc du vestibule dont le taux de visualisation est de 46 à 74%.

            Les séquences T1 recherchent une prise de contraste pathologique au sein de l’oreille interne et du conduit auditif interne.

            L’IRM est interprétée normale dans une maladie de Ménière. Certains auteurs (Albers, Casselman), rapportent des anomalies anatomiques de l’aqueduc du vestibule et du sac endolymphatique. La maladie de Ménière se traduirait, dans un nombre significative de cas, par une mauvaise ou non-visualisation, une brièveté de l’aqueduc du vestibule et une diminution de la pneumatisation des cellules périaqueducales et péripétreuses [Tran Ba Huy (94)]. Pour d’autres auteurs (Thomsen, Stahle), par contre, ces observations radiologiques sont rencontrées dans d’autres affections voire même chez les sujets normaux, et elles ne paraissent pas être spécifiques  de l’affection.

·                    Bilan biologique :

           Toute suspicion de maladie de Ménière impose un bilan biologique. Ce bilan doit comporter au minimum : ionogramme sanguin,   osmolalité sanguine, glycémie, bilan lipidique (cholestérolémie, triglycéridémie), sérologie de syphilis (VDRL, TPHA), bilan thyroïdien (T3, T4, TSH).

           Il peut être compléter par : sérologie virale, bilan hépatique, bilan inflammatoire (VS, CRP, électrophorèse des protéines sanguines) et bilan immunitaire (recherche des anticorps antinucléaire, , étude du système complémentaire, étude du système HLA).

 

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