A.   Traitement médical :

             Les traitements médicaux se discriminent en deux groupes : a) traitements de la crise ; b) traitements de fond.

a)       Traitements de la crise de Ménière :

Après l’établissement du diagnostic de la crise de Ménière, le traitement consiste, d’abord en une mise au repos absolu du patient, souvent en milieu hospitalier, et puis l’administration des médications dirigées contre le symptôme « vertige » et des éventuels symptômes accompagnant ou engendrés par la crise de vertige. De nombreux médicaments ont été proposés et utilisés. Ce sont, essentiellement des antivertigineux ou à visée sédative et/ou anxiolytique [Tran Ba Huy (94)].

Le protocole thérapeutique que nous utilisons habituellement, comprend des perfusions d’un agent osmotique (Mannitol  à 10% : 500 ml/ jour ; en perfusion lente de 4 heures) associé à des médications antivertigineuses et antiémétiques. L’antivertigineux utilisé est l’acétylleucine dont la posologie peut varier, en fonction de l’intensité de la crise, entre 1,5 g et 3 g / jour. Il est administré par voie intraveineuse et en 3 prises quotidiennes. Des médications antiémétiques et/ou anxiolytiques sont prescrits en fonction du tableau clinique.

               La crise vertigineuse est contrôlée en moins de 5 jours de traitement. L’utilisation des agents osmotiques permet souvent d’améliorer l’audition, mais son action sur les acouphènes semble être plus aléatoire. L’amélioration de l’audition et des acouphènes dépend du stade de l’évolution de la maladie. Au stade de surdité fluctuante, l’effet des produits osmotiques est plus constant [Piquet et coll. (72)].

Pendant la durée du traitement, des contrôles biologiques et audiométriques sont réalisés afin, d’une part de déceler les effets indésirables liés à la médication, et d’autre part de rechercher une amélioration de la fonction cochléaire. Cette amélioration audiométrique, voire électrophysiologique (EcoG), sous l’effet des produits osmotiques, constitue un argument majeur dans le diagnostic positif de la pathologie et encourage le maintien des agents osmotiques à long terme et en traitement de fond.

b)       Traitements de fond de la maladie de Ménière :

               Le traitement de fond de la maladie de Ménière constitue un complément indispensable du traitement de la crise. Son but est d’empêcher ou de retarder au maximum la survenue d’une nouvelle crise et surtout de prévenir l’installation d’une hypoacousie définitive.

               Les thérapeutiques proposées à ce jour sont innombrables. Dans ce chapitre, nous citons les traitements les plus classiques, et en particulier, pratiqués dans notre service d’otologie et d’oto-neurologie.

1)                   Traitement du terrain :

               C’est le temps essentiel du traitement qui doit débuter dès le diagnostic de la maladie. La personnalité du patient, son environnement socioprofessionnel et son vécu des symptômes, joue sans aucun doute un rôle primordial dans l’histoire naturelle de l’affection. Toute prescription médicamenteuse doit être accompagnée par une prise en charge globale du patient associant :

Ø                   Etablissement d’une relation médecin-malade, le plus confiant possible, avec informations et discussions sur l’affection. Le médecin doit souligner les incertitudes et la bénignité de la maladie, préparant ainsi le patient à en accepter les vicissitudes évolutives et thérapeutiques.

Ø                   Règles hygiéno-diététiques : le patient doit mener une vie équilibrée sans excès tabagique ou alcoolique ainsi qu’un régime alimentaire hyposodé  [Tran Ba Huy et coll. (94)]. Les conflits personnels, professionnels ou de toute nature susceptible de retentir sur l’équilibre du sujet doivent être évités, ou à défaut, bénéficiés d’un soutien psychologique spécialisé.

Ø                   Traitement de l’anxiété : qui peut consister en un traitement médicamenteux, souvent par les benzodiazépines, ou une psychothérapie adaptée à la personnalité et la symptomatologie du patient.

 

2)                   Traitements médicamenteux à visée pathogénique :

                 Nombreuses classes médicamenteuses ont été proposées dans la maladie de Ménière. Cette multitude thérapeutique est en corrélation avec le nombre des hypothèses pathogéniques évoquées pour cette affection. Ce sont essentiellement : antivertigineux, diurétiques, vasodilatateurs, corticoïdes, histaminiques, antihistaminiques, ortho- ou parasympathomimétique, ortho- ou parasympatholythiques, etc.

v                  Les antihistaminiques : (cyclizine, dimenhydrinate, bictanantine, astémizole) sont prescrits dans la maladie de Ménière car ils atténueraient les stimulations labyrinthiques. L’histidine (bêtahistine) est conseillée pour son action antispasmodique qui résulte de la production de l’histamine sur place par une décarboxylase de l’histidine. La prescription de bêtahistine est motivée par l’hypothèse pathogénique de spasme des sphincters précapillaires de la strie vasculaire.

v                  Les antivertigineux mineurs ou majeurs : sont préconisés pour leur action symptomatique sur les vertiges. L’antivertigineux le plus efficace est l’acétylleucine qui est prescrit en per os et à des doses allant de 1,5 à 3 g par jour.

v                  Les vasodilatateurs : sont prescrits le plus souvent en association avec les autres classes médicamenteuses. Leur prescription est motivée par l’hypothèse d’un spasme vasculaire.

v                  Les diurétiques : associés à un régime hyposodé ont été préconisés pour la 1ère fois par Fürstenberg [Tran Ba Huy (94)]. Cette association agirait par une déshydratation globale sur l’homéostasie des liquides labyrinthique. Leur principale indication est la surdité fluctuante. La positivité d’un test au Mannitol est en faveur de leur prescription.

                Notre protocole thérapeutique de fond comprend l’acétazolamide : inhibiteur spécifique de l’anhydrase carbonique à différents niveaux (tubule rénal, corps ciliaire, plexus choroïdes, système nerveux central et muqueuse digestive). L’activité de l’anhydrase carbonique est élevée dans l’épithélium labyrinthique en particulier dans la strie vasculaire. Cette inhibition par l’acétazolamide entraîne une diminution de 10 à 20% du potentiel endocochléaire sans modification des concentrations de Na et K de l’endolymphe et de la périlymphe [Morgon et coll. (62)].

                L’acétazolamide est prescrit en dose fractionnée (en 2 ou 3 prises quotidiennes) et à une posologie ne dépassant pas un comprimé par jour. Nous associons à cette médication un antivertigineux ( l’acétylleucine), le bétahistine et un vasodilatateur (trimétazine).

                Cette médication, sur une période d’au moins 6 mois, permet dans la majorité des cas de stabiliser l’audition et de diminuer la fréquence et l’intensité des crises vertigineuses (à l’exclusion des formes d’emblée rebelles). Les résultats sur les acouphènes sont plus aléatoires. Une amélioration voire disparition des acouphènes est possible.

3)                   Labyrinthectomie chimique :

Elle consiste essentiellement en administration d’aminosides dont l’ototoxicité est bien connue. Il s’agit d’une destruction sélective des cellules neuro-sensorielles de l’oreille interne (cochlée ; vestibule). Les lésions sont en fonction du type d’aminoside ainsi que la dose et la durée de l’administration. Elles se portent surtout sur les cellules ciliées externes (d’abord la rangée interne, puis le milieu et enfin la rangée externe). Les effets extra-cellulaires  des aminosides sont :

  •  Inhibition réversible de la transduction mécano-électrique des cellules ciliées.

  •  Blocage réversible des canaux Ca 2+ des cellules ciliées.

  •  Inhibition réversible des récepteurs purinergique (ATP) avec blocage électrique  des cellules ciliées externes.

  • Inhibition réversible des récepteurs cholinergiques avec suppression de l’action inhibitrice du système efférent médian provenant des noyaux vestibulaires.

La pénétration intracellulaire se faisant par transport actif  (molécules chargées positivement se fixent sur les récepteurs chargés négativement), l’action intracellulaire des aminosides est irréversible. Elle se fait préférentiellement sur les cellules ciliées externes aboutissant à une perte auditive. Certains aminosides ont une affinité préférentielle pour le vestibule.

Théoriquement,   il  est  possible  d’améliorer la  symptomatologie  vertigineuse  tout en préservant l’audition. Ce principe fut mis en œuvre dès 1957 par Schuknecht [Tran Ba Huy et coll. (94)]. L’observation d’une amélioration des vertiges, voire même de l’audition, avant que ne disparaisse, aux épreuves caloriques, la fonction vestibulaire, a conduit à évoquer la possibilité d’une atteinte première des cellules sécrétoires de l’endolymphe précédant la destruction des cellules sensorielles.

 Ainsi, l’hydrops serait-il soulagé avant que ne soit affectée la fonction sensorielle de l’oreille interne, et que ne s’installent une ataxie et des oscillopsies. En jouant sur les doses et les modalités d’administration, on peut (théoriquement) transformer ce traitement destructif en un traitement étiopathogénique [Bagger et coll., Magnusson et coll., Söderman et coll. (9, 51, 90)].

Selon la littérature, on retient deux modalités pour la labyrinthectomie chimique :

1.                   La streptomycine par voie générale : dont la dose administrée est de 1 g en IM 2 fois par jour durant 5 jours par semaine, pendant 2 semaines (soit 20 g). En l’absence d’amélioration une 3e semaine de traitement est préconisée. L’effet ototoxique est bilatérale et peut ne se manifester qu’au bout de quelques semaines. Ce traitement est contre indiqué chez le sujet âgé, en raison des difficultés de compensation visuelle et proprioceptive.

2.                   la gentamicine par voie locale : après la pose d’un aérateur transtympanique, on réalise des bains d’oreille d’une heure à l’aide d’une ampoule de 10 mg  2 fois par jour, pendant 10 jours. L’effet ototoxique est unilatérale.

               La labyrinthectomie chimique est indiquée dans les formes sévères, bilatérales ou sur oreille unique. Elle présente certes moins de risque qu’une chirurgie, mais ses résultats sont moins satisfaisants.

 

 

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